La Convention européenne des droits de l’Homme et l’exhérédation: une conformité réaffirmée

Le débat juridique autour de l’exhérédation, cette faculté de priver un héritier de sa part successorale, a été récemment éclairci par la Cour européenne des droits de l’Homme. Dans les arrêts rendus le 15 février 2024, la Cour a confirmé que l’exclusion d’un enfant de la succession n’était pas en contradiction avec les principes fondamentaux de la Convention.

Contexte législatif et décisions clés

Faisant suite à des sagas judiciaires complexes, les affaires Jarre et Colombier ont vu leurs conclusions devant la Cour européenne des droits de l’Homme. La question centrale résidait dans la conformité de l’exhérédation avec le droit international, notamment dans le cadre du règlement européen Successions.

Dans ces deux cas distincts mais similaires, les enfants du défunt compositeur Maurice Jarre et du compositeur Michel Colombier se sont retrouvés exclus de leur succession respective. En effet, par le biais d’un trust californien, leurs pères avaient choisi d’autres bénéficiaires que leurs descendants naturels. Face aux tribunaux français refusant d’appliquer leur droit à la réserve héréditaire, les enfants ont porté leur cause devant la Cour européenne.

Les principes juridiques en jeu

Les requérants ont soulevé plusieurs arguments pour contester leur exhérédation : violation du droit au respect des biens, non-respect du procès équitable ou atteinte à la vie familiale normale. La Cour a cependant rejeté ces arguments, affirmant qu’une loi étrangère ignorant la réserve héréditaire n’est pas automatiquement contraire à l’ordre public international français.

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Cette décision souligne qu’il n’existe pas un droit général et inconditionnel pour les enfants à hériter des biens de leurs parents selon la Convention. Elle met également en exergue le principe de subsidiarité confiant aux autorités nationales l’interprétation du droit interne.

L’évolution contemporaine du droit successoral

Au sein de l’Union Européenne, le règlement n°650/2012 apporte une vocation universelle à la gestion des successions internationales. Il prévoit notamment une unité successorale et autorise une « professio juris », qui permet au défunt de choisir la loi applicable à sa succession.

Toutefois, cet ensemble législatif fait face à des critiques en raison d’une potentielle incompatibilité entre le nouveau droit français au prélèvement compensatoire sur les biens situés en France et le règlement européen successions.

Perspective critique sur le prélèvement compensatoire

La loi confortant le respect des principes de la République introduit un nouveau mécanisme permettant un prélèvement compensatoire pour les héritiers réservataires évincés par une loi étrangère. Cependant, cette innovation pourrait être contestée pour son caractère potentiellement discriminatoire ou inconventionnel vis-à-vis du règlement européen.

En conclusion, si après le 1er novembre 2021 un tel cas se présentait, il est probable que les tribunaux devraient juger au cas par cas si l’article 913 du Code civil respecte ou non le règlement Successions. En dernier ressort, seule une fraude avérée à la loi pourrait justifier une action contre l’exhérédation telle qu’elle est prévue actuellement dans le cadre juridique européen.