Exclusivité de l’action sociale ut singuli pour les associés : un privilège légal

Une récente jurisprudence du 20 juin 2024 vient rappeler et préciser les limites d’un mécanisme juridique central dans le monde des affaires : l’action sociale ut singuli. Ce dispositif, qui permet aux associés de sociétés de poursuivre en justice les dirigeants sociaux pour fautes de gestion, reste un privilège que la loi n’accorde qu’aux associés de sociétés et ne s’étend pas aux membres d’associations, faute de texte spécifique.


L’action sociale ut singuli : un outil exclusif des associés

Définie comme une action en justice permettant aux associés d’une société de demander réparation pour des préjudices subis par la société suite à des erreurs de gestion commises par ses dirigeants, l’action sociale ut singuli constitue un levier puissant dans la protection des intérêts corporatifs. Cependant, son usage est strictement encadré par la législation et ne saurait bénéficier à d’autres entités telles que les associations.


Une jurisprudence confirmative

Le cadre légal actuel, renforcé par la jurisprudence récente, souligne que seul le statut d’associé confère la capacité d’exercer cette action. En effet, l’absence d’une disposition légale claire et explicite empêche toute extension de ce droit aux membres des associations. Cette décision illustre le souci du législateur et des instances judiciaires de préserver une certaine cohérence au sein du droit des sociétés tout en protégeant ses acteurs contre toute forme de gestion délictuelle.


Quelles implications pour les membres d’associations ?

Cette limitation signifie que les membres d’une association ne possèdent pas le même arsenal juridique que les associés d’une société lorsqu’il s’agit de faire valoir leurs droits face à une mauvaise gestion. Ils doivent donc se tourner vers d’autres mécanismes légaux ou statutaires pour défendre leurs intérêts.


Les recours alternatifs pour les membres d’associations

Bien que privés de l’action sociale ut singuli, les membres d’associations disposent néanmoins de plusieurs options pour faire valoir leurs droits. La loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association offre un cadre juridique permettant aux adhérents de contester certaines décisions ou actions des dirigeants associatifs. Parmi ces recours, on trouve notamment la possibilité de convoquer une assemblée générale extraordinaire pour aborder les problèmes de gestion, ou encore le droit de saisir le tribunal judiciaire en cas de violation des statuts ou de la loi.

Les membres peuvent également s’appuyer sur les statuts de l’association qui définissent souvent des procédures internes de contrôle et de contestation. Ces mécanismes peuvent inclure la mise en place d’un conseil de surveillance ou d’un comité d’éthique chargé de veiller à la bonne gestion de l’association. En cas de dysfonctionnements graves, les adhérents ont la possibilité de demander la dissolution judiciaire de l’association auprès du tribunal compétent.


Les enjeux de la gouvernance associative

L’absence d’action sociale ut singuli dans le monde associatif soulève la question plus large de la gouvernance des associations. Contrairement aux sociétés commerciales, les associations reposent sur un modèle de gestion désintéressée, ce qui peut parfois compliquer la mise en place de mécanismes de contrôle efficaces. La loi ESS (Économie Sociale et Solidaire) de 2014 a tenté d’apporter des réponses en renforçant les obligations de transparence et de démocratie interne pour les grandes associations.

Néanmoins, de nombreux acteurs du secteur associatif plaident pour une réforme plus approfondie du cadre légal. Ils proposent notamment l’introduction de dispositifs inspirés du droit des sociétés, comme la possibilité pour les membres de demander la désignation d’un expert de gestion ou la mise en place d’une procédure d’alerte interne en cas de difficultés financières. Ces évolutions viseraient à renforcer la protection des intérêts des adhérents tout en préservant la spécificité du modèle associatif.


L’impact sur la responsabilité des dirigeants associatifs

L’impossibilité pour les membres d’associations d’exercer une action sociale ut singuli ne signifie pas pour autant que les dirigeants associatifs sont exempts de toute responsabilité. Leur régime de responsabilité diffère de celui des dirigeants de sociétés, mais ils peuvent néanmoins être tenus pour responsables de leurs fautes de gestion. La jurisprudence a progressivement défini les contours de cette responsabilité, en s’appuyant notamment sur les principes du mandat et de la gestion d’affaires.

Les dirigeants associatifs peuvent ainsi voir leur responsabilité civile engagée en cas de faute personnelle détachable de leurs fonctions. De plus, leur responsabilité pénale peut être mise en cause pour des infractions telles que l’abus de confiance ou le détournement de fonds. La Cour de cassation a d’ailleurs précisé dans plusieurs arrêts que la qualité de bénévole n’exonérait pas les dirigeants de leur responsabilité en cas de faute grave.


Vers une évolution du cadre légal ?

Face aux limites du système actuel, certains juristes et praticiens appellent à une réflexion sur l’évolution du cadre légal des associations. L’idée serait de trouver un équilibre entre la nécessaire souplesse du modèle associatif et le besoin de protection des adhérents. Une piste envisagée serait l’introduction d’une forme d’action en responsabilité collective permettant aux membres d’agir conjointement contre les dirigeants fautifs, sans pour autant calquer entièrement le mécanisme de l’action sociale ut singuli.

Une telle réforme nécessiterait une modification de la loi de 1901, un texte fondateur qui n’a connu que peu de changements majeurs depuis son adoption. Elle devrait prendre en compte les spécificités du monde associatif, notamment la diversité des structures (des petites associations locales aux grandes organisations nationales) et la prédominance du bénévolat. Un groupe de travail parlementaire a d’ailleurs été constitué pour étudier ces questions et proposer des pistes d’amélioration du droit des associations.

A lire également  Les contrats de franchise multi-entreprise : Un modèle d'expansion efficace

Partager cet article

Publications qui pourraient vous intéresser

Le 20 mars 1995, Tokyo est frappée par une attaque terroriste sans précédent. Des membres de la secte Aum Shinrikyo libèrent du gaz sarin dans...

La résiliation d’un abonnement TGV Max peut s’avérer complexe pour de nombreux voyageurs. Ce guide détaillé vous accompagne pas à pas dans les démarches à...

En 2025, les petites entreprises du bâtiment en Bretagne font face à une refonte majeure des indemnités accordées à leurs ouvriers. Cette évolution, fruit de...

Ces articles devraient vous plaire